Du 25 février au 14 mars 2025, le festival IDÉAL mêle Arts, Sciences et sens du collectif. Avec sa programmation riche, il crée des ponts entre recherche scientifique, questionnement socio-politique et spectacles vivants. Public fidèle de l’évènement, nous avions déjà fait une émission à l’occasion de l’édition précédente, que vous pouvez ré-écouter ici ou sur toutes les plateformes de podcast !
Cette année, le Labo des Savoirs a assisté au lendemain de l’ouverture du festival à une conversation participative cherchant à aller « Au-delà de l’Anthropocène« . Pour celles et ceux qui n’ont pas pu s’y rendre, laissez-nous vous raconter :
[Cet article est une retranscription de la chronique de Sophie Podevin, diffusé dans l’émission Curiocité sur Prun le mardi 4 mars 2025]
Deux hommes et un diapo
Deux chaises sont disposées face à l’estrade sur laquelle le public s’assoit. Après plusieurs minutes de bruissement de conversation, nos deux interlocuteurs arrivent. À droite : Nicolas Martin, journaliste scientifique et auteur. À gauche : Colin Pahlisch, chercheur en littérature. En face : nous (le public). Nous le sentons bien vite : nous n’allons pas rester simples spectateurs.

Le chercheur et l’auteur ont en effet prévu une série de questions, projetées derrière eux. La première s’impose : comment définir l’anthropocène ?
L’ère de l’humain. Certes. Après un premier échange entre les deux hommes, une jeune femme du public – qui a travaillé sur ces questions – s’est proposée pour nuancer la validité de ce terme très connoté. Pourquoi, encore, mettre l’homme au centre de tout ? Surtout que l’on parle ici d’une ère géologique, comme le crétacé ou le paléogène. Or, ce que nous laissons comme trace pour les paléontologues du futur n’est pas glorieux : microplastiques, déchets nucléaires… on est loin des fossiles de dinosaures !
Le public approuve, les deux hommes aussi. Le collectif commence à se réveiller. D’autres idées arrivent à voix haute dans la salle. Cette période n’est-elle pas synonyme de destruction, de disparition et de dérèglement ? Devons-nous vraiment nous rendre hommage pour cela ? Et pourquoi ne pas l’appeler le « destructo-cène » ?
Prédire le futur, de la SF à l’art en général
L’idée d’échanger sur les futurs désirables – thème général du festival – s’éloigne doucement mais les deux intervenants gardent espoir. Colin Pahlisch parle du futur comme d’un « hyper-objet ». Il ajoute que les sciences doivent cesser de vouloir garder de la hauteur et de la neutralité. Les décisions qui forgent ce futur se prennent aujourd’hui, en lien avec le politique, avec le collectif, dit-il.
Notre collectif à nous, le public, est bien là : nous contemplons ensemble la question suivante.
« Peut-on s’engager à travers l’art et la littérature ? »
Nicolas Martin intervient. Journaliste, il n’a pas peur des mots, des luttes et des idées (notamment de gauche) qu’il défend avec énergie. « Il n’y a pas de petits actes de résistance » rappelle-t-il. Si la science-fiction a, pendant des décennies, tenté de prédire le futur des sciences… elle s’est également penchée sur les futurs (désirables ou non) de nos systèmes politiques. « Aujourd’hui, la réalité semble rattraper la fiction. » s’inquiète le journaliste, qui n’hésite pas à évoquer la montée du fascisme. « Il y a urgence à s’emparer, à s’imaginer dans des futurs désirables » martèle-t-il dans de grands gestes.
Le public frémit. Des mains se lèvent. Est-ce qu’imaginer suffit ? L’Art doit-il nécessairement être engagé ? Comment les sciences peuvent-elles prendre parti, se mêler au politique ? N’est-ce pas dangereux ? Qu’est-ce que l’on peut faire, nous, citoyennes et citoyens ?
L’évènement se termine (déjà) sans vraiment apporter de réponses. Les cerveaux sont encore en ébullition et les échanges continuent sur le pas de la porte. Le mot de la fin est unanime. Ce que l’on peut faire, c’est ça : continuer de parler ensemble, de débattre et d’échanger.