Cet article de Marie Hilary, arrive en complément de l'émission "Sols : services et survie", diffusée le 9 novembre 2022.
Le sol est le support de l’agriculture. Sans un sol vivant, les plantes et les cultures ne peuvent pas pousser. Le sol est loin d’être une terre inerte, c’est un lieu de haute biodiversité où se côtoient de nombreux microorganismes, des champignons et des racines. Malheureusement, il a longtemps été considéré comme un simple réservoir à carbone et à nitrates… sans vie.
État des lieux
Le Service des données et études statistiques (SDES) a publié à la mi-2021 une synthèse sur l’état des sols en France pour le ministère de la Transition écologique et de la cohésion sociale. Dans cette étude, les rapporteurs révèlent que les sols français perdent en moyenne 1,5 tonne de terre par hectare en raison du ruissellement des eaux. Les responsables de cette érosion ne sont autres que l’intensification de l’agriculture, le surpâturage, la déforestation et l’imperméabilisation des sols. Il en résulte une perte biodiversité, une diminution des rendements, une dégradation de la qualité de l’eau ainsi que l’apparition de coulées de boues.
En plus de cette perte de terre annuelle, l’étude révèle qu’un peu plus de 9 500 sites sont pollués en raison du passé industriel de la France. Les anciennes régions minières concentrent ainsi la moitié de ces pollutions qui sont le résultat de rejets de polluants non maîtrisés, causés par des accidents ou des mauvais confinements. Et, plus de 90 % des contaminations diffuses par le plomb proviennent du trafic automobile.
Au-delà de leur intérêt agricole, les sols ont aussi un rôle à jouer dans le stockage du carbone. À l’échelle de notre planète, la capacité de stockage du carbone organique par les sols est de 2400 Gigatonnes. Tandis que les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine représentent 9,4 Gigatonnes de carbone. Le rapport de nos émissions versus le stockage de carbone permis par les sols est de 4 pour 1000. Suite à ce constat, l’initiative « 4 pour 1000 : Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat » a été porté par la France à la COP 21 en 2015. En France, les 30 premiers centimètres du sol stocke environ 3,58 Gigatonnes. Une augmentation de 4 pour 10000 de ce stock permettrait de réduire de 12 % les émissions de gaz à effet de serre françaises.
Mais comment redonner vie à des sols dégradés, pollués, artificialisés ?
Zéro artificialisation nette
Pour redonner aux sols toute leur importance, il existe plusieurs leviers.
Le premier est déjà de repenser leur utilisation. L’artificialisation des sols par la construction de bâtiments, de routes ou de logements empêche le stockage du carbone et le retour de la biodiversité. Ainsi, le rapport 4 pour 1000 sorti en décembre 2020 et rédigé par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) recommande de favoriser l’afforestation. C’est-à-dire le retour de la végétation dans les sols. Pour aller dans ce sens, la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a posé un objectif de « Zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon de 2050. Cette démarche demande dans un premier temps aux territoires, communes, départements et régions de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030. Un premier pas vers la préservation des terres riches, qu’elle soient agricoles ou forestières.
Pratiques agroécologiques
Mais ce n’est pas tout ! Le rapport 4 pour 1000 préconise également le développement de pratiques agricoles et sylvicoles favorisant la séquestration du carbone dans les sols et le développement de biomasse ligneuse (bois, écorce, branches, rameaux, souches et racines des arbres vivants ou morts). Ce sont les pratiques agroécologiques.
L’agroécologie vise à coupler production agricole et écologie. Le ministère de la Transition écologique définit l’agroécologie comme « une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes ». Elle doit servir à « amplifier les bénéfices offerts par les écosystèmes tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement (ex : réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter le recours aux produits phytosanitaires) et à préserver les ressources naturelles. Il s’agit d’utiliser au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement. »
Et pour que la nature se renouvelle, il faut veiller à la préserver. L’agroécologie propose donc de nouvelles pratiques agricoles basées sur l’observation du vivant et les respect de la biodiversité et des sols. Ainsi, l’entreprise associative française, Solagro, collabore avec les agriculteurs, les organisations agricoles, les collectivités et réalise des études avec des organismes de recherche et l’enseignement agricole pour mettre en place des systèmes agroécologiques durables et efficients, sources de bien-être pour ses acteurs et capables de préserver des biens communs tels que nos paysages, la biodiversité, l’eau et les sols dans un contexte de réchauffement climatique. Recréer des sols vivants ne peut pas être uniquement de la responsabilité des agriculteurs. Il faut pour cela une implication de tous les acteurs. Sur son site « Osez l’agroécologie », Solagro répertorie ainsi une foule de pratiques à réaliser pour améliorer la qualité de ses sols, qu’on soit agriculteur, maraîcher, jardinier…
De nouvelles pratiques
L’une des pratiques phares proposées est bien sûr le fait de bannir le labour. Si celui-ci aère les sols et en améliore la fertilisation avant la mise en place de la culture, il affecte durablement la structure et la biodiversité de ces sols. Il accélère également le déstockage du carbone et le lessivage de l’azote.
L’implantation d’un couvert végétal en hiver, avant la mise en place de cultures de printemps comme le maïs ou le tournesol, permet de limiter l’érosion et le lessivage des nitrates. En effet, il n’y a rien de pire qu’un sol nu ! Ces couverts végétaux sont souvent broyés pour fertiliser le sol avant culture. L’assolement est aussi un levier important pour éviter de fatiguer les sols. Ainsi, il est judicieux d’effectuer une rotation chaque année des cultures implantées. Par exemple, l’implantation de légumineuses (pois, féverole) l’année précédent une culture d’hiver, comme le blé, permet d’apporter naturellement de l’azote dans les sols.
Enfin, une technique bien connue aujourd’hui est l’agroforesterie. Dans cette pratique, on cherche à imiter le fonctionnement des écosystèmes forestiers en utilisant un étagement de différentes strates (arbres, arbustes, herbacées) pour apporter diversité et matière organique au sol. En plus de limiter l’érosion des sols, le rapport « 4 pour 1000 » de l’Inrae précise que « les haies plantées en bordures de parcelles agricoles permettent de stocker du carbone organique à un taux de 0,75 tonne de Carbonepar an et par ha de surface de haie ». En plus de ramener de la vie dans les campagnes, l’agroforesterie facilite la lutte contre le dérèglement climatique.
Les solutions pour reconquérir nos sols sont variées et vont dans le sens de la transition écologique. À nous de nous emparer de tous ces leviers pour nous permettre de nous nourrir de manière saine tout en réduisant notre impact sur l’environnement !