Pour préparer l’émission Un été scientifique, nous avons eu le plaisir d’échanger longuement avec Christine Bard, professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers. L’occasion d’en apprendre plus sur ce projet de musée des féminismes qui ouvrira ses portes à Angers dans quelques années.
Comment monte-t-on un musée ? Quel apport pour la recherche ? Quelle sera la première exposition ? Retrouvez les réponses à ces questions et plus encore à la lecture de cet entretien.
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Bonjour Christine Bard, pourriez-vous commencer par vous présenter en quelques phrases ?
Je suis historienne du féminisme, de l’anti-féminisme, des femmes, du genre. Ce sont mes spécialités depuis pas mal d’années. Je suis professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers. J’anime l’association Archives du féminisme. J’anime également un musée virtuel sur l’histoire des femmes et du genre. Je suis aussi coprésidente de l’AFéMuse, qui est l’association de préfiguration du musée des féminismes.
Votre association, AFéMuse, a lancé un appel à collecte d’objets utilisés dans les manifestations féministes. Que comptez-vous en faire ?
Nous avons déjà des objets dans les collections des bibliothèques et centres d’archives spécialisés, notamment au Centre des archives du féminisme à la Bibliothèque universitaire d’Angers. Leur inventaire vient d’être fait : on compte des centaines d’objets comme des manuscrits, des imprimés, des photographies.
Comme pour tous les musées, notre idée est de donner à voir. Il nous faut alors des objets, de la 3D. On a voulu renforcer nos collections avec un appel qui circule par les réseaux sociaux et par différents moyens, pour prioriser la collecte d’objets ayant servi à des manifestations féministes.
Quel type d’objets avez-vous pu collecter jusqu’à présent ?
Il s’agit pour le moment de badges, de banderoles, d’énormément de t-shirt : on ne s’attendait pas à en avoir autant ! Et puis on peut imaginer encore d’autres choses, des petits objets faits maison ou bien au contraire ayant une visée plus de communication pour des associations. Principalement des objets contemporains qui ont servi hier ou avant-hier. Mais on espère aussi pouvoir collecter des objets plus anciens ayant servi dans les années 1970-80.
Allez-vous pouvoir tout conserver ?
Oui, on n’a pas de problème de place ! On voudrait que chaque objet soit accompagné d’un récit, que la personne, généralement une femme, nous explique un peu l’histoire de l’objet, son rapport à l’objet.
Est-ce qu’il a été autoproduit ou acheté ? dans quel cadre a-t-il été utilisé ? pour quelle manifestation ? où et quand ?
On espère aussi sortir d’une histoire parisienne. Les féministes lilloises de Chez Violette sont par exemple très actives pour recueillir ces objets et les récits qui vont avec.
Ces récits seront sous forme écrite, audio, voire audiovisuelle si la personne accepte d’être filmée. On a vraiment besoin de cette contextualisation pour donner une histoire à l’objet. Sinon il se retrouve anonyme dans une série. On voudrait donner de la chair à ces objets, les associer par exemple à des photographies des manifestations où ils ont été utilisés.
L’idée si je comprends bien, c’est de pouvoir présenter les objets et les histoires associées ?
Oui, mais ce n’est pas tout. Cette collecte est associée à une exposition déjà en train de se préparer. Certains objets seront sélectionnés notamment pour l’exposition de 2024/2025 « Les femmes sont dans la rue ».
Ces objets serviront aussi pour écrire l’histoire des féminismes. Ce n’est pas ce à quoi on pense en premier lieu quand on fait de l’histoire. On utilise plutôt des archives classiques, mais les objets ont leur place. Ce sont des moyens de communication souvent très symboliques, parfois attachants, très créatifs, avec des codes couleurs, avec des modes militantes. On a envie de reconstituer ce langage militant à travers les objets. Les différents courants du féminisme ne s’expriment pas d’ailleurs de la même manière avec les objets.
Ce matériau sera donc très utile pour la recherche scientifique ?
Tout à fait, mais ce n’est pas le seul objectif. L’originalité de notre démarche, c’est d’enrichir et de stimuler la recherche historique qui débouche souvent sur les mêmes produits : un colloque, des publications, des livres, des projets de master ou de thèse…
Au-delà de ça, on voudrait que la recherche universitaire nourrisse une transmission à tous les publics. C’est ce que permet un musée. Le musée des féminismes pourra être fréquenté par des classes de primaire, de collège, de lycée, par tout public, des militants, des gens du quartier, des gens venus d’autres pays… Ça sera très varié !
A quel point ce projet de musée est-il avancé ?
Le projet a démarré réellement l’an dernier, avec l’opportunité exceptionnelle de pouvoir disposer d’un bout de la Bibliothèque Universitaire d’Angers suite à un projet de travaux de réaménagement. L’Université d’Angers, qui porte ce projet, nous soutient.
On a créé aussi une association de préfiguration du musée, l’AFéMuse. Les travaux auront lieu entre 2025 et 2027. L’inauguration du musée est donc prévue pour 2027. D’ici là, il reste beaucoup d’étapes : recherche de financement, travaux, intervention des architectes, des scénographes… Pas mal de choses un peu complexes et ambitieuses. On relève le défi, on va y arriver !
Et puis sans attendre 2027, on voulait créer une dynamique sur le projet : imaginer le musée, les collections permanentes, le parcours permanent, les expositions temporaires à programmer. C’est pour cette raison qu’on a programmé une exposition sans attendre la fin des travaux.
C’est un exemple d’exposition que l’on pourrait avoir dans le musée ?
Tout à fait, c’est la première exposition temporaire du musée, « Les femmes sont dans la rue », prévue pour 2024. L’exposition sera déjà dans les locaux du futur musée, à la Bibliothèque Universitaire de Belle Beille, à Angers.
Qui sont les personnes qui contribuent à la création de cette exposition ?
L’écosystème de la préfiguration du musée est assez complexe. Il y a comités, il y a des dizaines de personnes qui travaillent sur le projet de musée, avec des compétences complémentaires. Je vous passe les détails, qui qui ne sont pas des détails d’ailleurs ! Tout compte, y compris les travaux des étudiants et d’étudiantes. J’ai par exemple un cours en L3 histoire « Et si on imaginait un musée des féminismes ».
A travers cette exposition, on montre déjà comment on va fonctionner.
Le commissariat scientifique de l’exposition revient à une personne reconnue pour ses compétences, Ludivine Bantigny, historienne bien connue, qui a travaillé sur la Commune, sur mai 68, sur l’histoire des féminismes. Elle connaît bien l’histoire des manifestations en France. C’est aussi une grande pédagogue. C’est elle qui orchestre la première exposition, qui va être démultipliée.
L’exposition physique se transformera en exposition virtuelle sur Muséa.
Elle deviendra une exposition mobile grâce à un kit à imprimer sur grand panneau pour des collectivités, des médiathèques ou toute autre entité qui aurait envie d’avoir une sorte de version synthétique de l’exposition d’Angers. Cela ne sera évidemment pas la même chose qu’à Angers, où seront présentés des documents authentiques. Cela donnera tout de même une sorte de résumé de l’exposition.
Il y aura aussi un livre où Ludivine Bantigny pourra développer la pensée présentée dans l’exposition. Puis un film diffusé à la télévision dont Ludivine Bantigny sera la co-réalisatrice.
Et sans doute un podcast avec Radio Campus. On travaille sur toute forme de médiatisation autour du travail intellectuel qui aura été fait pour l’exposition.
Sans oublier le programme culturel durant les huit mois de l’exposition. Pendant cette période, on aura des projections-débats, des conférences, des ateliers… On voudrait qu’il y ait une place aussi pour la création, notamment celles issues du public. Après avoir visité l’expo, le public pourrait contribuer à la création d’une œuvre collective pensée par les étudiantes et étudiants de l’école des Beaux-Arts d’Angers.
Ça part dans beaucoup de directions ! Il y aura aussi donc pour les scolaires de la médiation adaptée à leur âge. Le programme est très riche et très exaltant !
Impressionnant ! Cela montre que le sujet peut amener de nombreuses interactions avec le public.
Tout à fait. Nous n’avons pas encore parlé du fond : l’histoire des féminismes n’est pas un sujet neutre. C’est ce qui nous motive à ce point pour créer un musée. Notamment parce qu’un tel musée n’existe pas actuellement en France, contrairement à d’autres à d’autres pays.
Et aussi parce que ça reste un gros manque dans l’enseignement scolaire et universitaire. A Angers, la situation est relativement privilégiée. Mais il y a beaucoup d’étudiants et d’étudiantes en histoire qui peuvent faire tout leur cursus en passant à côté de l’histoire des féminismes, sans connaître de noms de féministe du passé. Or sans les féministes, il n’y aurait pas ce processus dont on bénéficie aujourd’hui, qui va dans le sens de l’égalité, de la reconnaissance de plus de liberté pour les Femmes. Le féminisme a ouvert tout un champ d’interrogation aussi sur ce que c’est le genre, l’identité.
C’est un sujet très contemporain, mais qui a une longue histoire, et on a besoin de la connaître pour mettre en perspective ce qu’on vit aujourd’hui, pour mieux le comprendre. Nous n’avons pas de discours tout fait à délivrer. Le but n’est pas de dire quoi penser, mais bien d’apporter des informations pour aider les personnes à se situer dans un débat aujourd’hui important, complexe, et d’intervenir dans ce débat avec notre compétence de chercheuse et d’universitaire.
Vous avez évoqué le fond : avez-vous déjà une idée de ce qu’on pourrait voir dans ce musée ?
On a forcément commencé à y réfléchir. La réflexion continue, elle sera modifiée par toutes nos interactions avec différentes sortes de publics. L’accessibilité de notre discours est un souci très important, notamment pour les plus jeunes.
Nous avons à cœur de donner des éléments d’histoire, des féminismes au pluriel, en les contextualisant, en montrant leur pluralité, en montrant bien sûr les principaux combats : l’accès des filles à l’éducation, le combat pour la citoyenneté, pour la réforme du code civil qui faisait des femmes des mineures, comme les fous et les enfants. Les femmes étaient la propriété de leur mari. Celui-ci avait tous les droits sur les enfants. Mais aussi le combat pour la liberté de disposer de son corps, qui vient principalement dans les années 70 : le droit à la contraception, l’avortement, la liberté sexuelle.
Au-delà des combats principaux, nous avons à cœur de parler aussi de tous les sujets : le féminisme traverse toutes nos vies, en incluant aussi les hommes. Le féminisme a modifié la vie des hommes, avec les enjeux de mixité, d’évolution de la masculinité, du rôle paternel. Il n’y a aucun sujet en fait qui échappe au féminisme. C’est aussi notre manière de nous habiller, le sport, le corps, les loisirs…
On veut montrer cette grande amplitude et je ne laisse pas de côté évidemment la culture. Le combat, est politique, social, c’est aussi la sphère du travail. C’est aussi changer les représentations, montrer qu’autre chose est possible. Ça passe par le cinéma, par l’imagination, par des artistes, par l’accès des femmes à la création, par d’autres représentations du masculin et du féminin, par les interrogations sur le neutre. On va montrer tout ça.
Le féminisme a aussi un caractère intellectuel. Depuis très longtemps, souvent, il a été caricaturé comme une affaire de bas bleus, c’est-à-dire de de femmes qui avaient des prétentions intellectuelles jugées ridicules.
Le féminisme, c’est des bibliothèques entières de livres, mais aussi de de thèses, depuis bien longtemps. Angers dispose de la Bibliothèque universitaire de France qui a le plus de livres sur les questions de genre et sur le féminisme, sur les femmes, sur l’histoire des femmes. On veut montrer que depuis très longtemps, il y a une vision critique de la domination masculine qui s’exprime par le livre, par la littérature, la poésie, le cinéma, le théâtre. Je pense qu’on s’en rend bien compte aujourd’hui. Mais on sait moins que c’est ancien. Que ça ne délivre pas un seul message, qui irait dans un seul sens.
Vous cherchez donc à donner de l’épaisseur pour montrer les féminismes dans toutes leurs complexités.
Ce n’est jamais facile de montrer un mouvement pluriel qui s’est métamorphosé plusieurs fois. On a envie de découvrir aussi ces mouvements, ces associations, ces journaux, la presse périodique féministe, les revues qui n’ont pas forcément utilisé le mot féminisme.
On tient aussi à laisser de la place aux actrices et aux acteurs du mouvement pour l’émancipation et la libération des femmes. On n’a pas non plus envie de tomber dans le piège des grandes figures, parce qu’elles n’ont pas besoin de nous. Elles seront bien sûr évoquées. On ne peut pas parler de féminisme sans Simone de Beauvoir, sans Gisèle Halimi et ou sans George Sand. On a envie aussi d’aller vers les anonymes, vers les régions, pas seulement Paris. Il faut faire attention à ne pas reproduire dans le musée le discours d’un féminisme hégémonique, d’un féminisme qui serait dominant parce qu’il serait plus bourgeois, plus parisien, plus intellectuel, plus blanc.
Il y a toute sorte de féminismes : celui des quartiers, ceux liés à des religions minoritaires. Il y a une pluralité d’expression et depuis longtemps. On s’engage à respecter le plus possible cette pluralité sociologique.
Pour revenir à l’accessibilité du discours : pourriez-vous nous en dire plus ce qui fait obstacle à la diffusion de ces discours ? notamment envers les plus jeunes ?
Ces recherches sur l’histoire des féminismes sont transmises par des livres. Il y a beaucoup de publications, beaucoup de documentaires aussi, beaucoup de podcast. Mais ce n’est pas intégré dans les programmes : on peut faire toute sa scolarité en France en passant à côté. Je donnais l’exemple des études aussi. Ou on peut faire des études de lettres sans jamais croiser une écrivaine. Les écrivaines sont systématiquement marginalisées. On en est encore là.
Il y a une situation paradoxale depuis les années 1970 : beaucoup de recherches à l’université, mais qui n’ont pas forcément changé le canon, le socle de connaissances obligatoires. On voudrait contribuer à changer ça, au moins grâce à la possibilité de visiter le musée. Il faut qu’on puisse faire passer des connaissances de façon concrète.
C’est justement ça le pouvoir des objets dont on parlait tout à l’heure. Un objet, c’est du concret, c’est symbolique, on peut en faire des commentaires. On veut donner accès à des textes, à des objets, à des journaux anciens, à des photographies, à des extraits de films, accompagnés par quelques commentaires. Le public pourra aussi s’approprier et se faire sa propre idée en en ayant accès à des sources directes. C’est aussi ce que permet une exposition : on se forge sa propre idée après confrontation à des sources directes. On est un peu guidé par le discours d’accompagnement de l’exposition, mais cette confrontation préserve une sorte d’indépendance de la personne qui visite.
C’est aussi une confrontation émotionnelle. On l’a vérifié avec les visites qui nous sont demandées depuis plusieurs années du centre des archives du féminisme à Angers. Au début, on se disait « Bon, qu’est-ce qu’on peut bien montrer ? »
Ce sont des paquets d’archives dans les réserves de la bibliothèque. On a 400 mètres linéaires : quand les gens visitent, ils ne vont pas aller voir tous les documents contenus dans les cartons d’archives, c’est absolument impossible. On sort quelques documents et puis on fait une petite visite. On a vu des personnes émues aux larmes de voir des documents anciens. Par exemple, des pétitions où on voyait des personnes au début du XXe siècle réclamant le droit de vote pour les femmes. Quand on racontait la vie de certaines féministes : elles ont essayé de s’émanciper, mais certaines ont eu à faire à de la répression, des discriminations. Quand on raconte ces histoires-là, on voit qu’on on touche les personnes, ça rend l’histoire plus concrète.
Il y a de l’émotion quand on monte les documents authentiques, c’est touchant. Voir des manifestations féministes du début du XXe siècle nous reconnecte à des racines mal connues. On voit les moyens dérisoires des féministes du passé qui n’avaient ni Internet, ni les moyens de médiatisation qu’on a aujourd’hui. Je prends juste cet exemple là, mais l’émotion viendra à différents endroits, on ne peut pas forcément la prédire. C’est aussi ça une exposition, c’est le partage d’une certaine émotion.
Vous disiez qu’il n’y a pas d’initiatives analogues en France, contrairement à d’autres pays. Est-ce que c’est ça qui vous a donné envie de vous lancer ?
J’en ai envie depuis très longtemps de ce musée des Féminismes ! En 2001-2002, j’avais impulsé une association pour la création d’un musée d’histoire des femmes. La ville de Paris semblait intéressée. Puis, après avoir annoncé que ça se ferait, le processus s’est arrêté un peu brutalement et sans explication.
J’ai créé ensuite Muséa, musée virtuel sur l’histoire des femmes et du genre, en 2004. Il reste à ce jour le seul musée virtuel sur l’histoire des femmes en France. Julie Botte, qui a fait sa thèse sur les musées de femmes dans le monde m’a contacté il y a quelques années pour m’interviewer : en France, il y avait juste Muséa, ce musée virtuel de l’université d’Angers. Alors que en Angleterre, en Allemagne, et dans beaucoup d’autres pays, il existait des musées d’histoire, des femmes. Il y avait des musées parfois spécialisés : musée des femmes aviatrice, celui de l’histoire de la femme au Vietnam.
Ce sont parfois des approches que je conteste, avec une sorte de récupération politique de l’histoire des femmes qui peut poser problème. Il existe depuis longtemps une association internationale des musées de femmes. La France n’en fait pas partie : il y a un retard que l’on va essayer de le combler un petit peu avec cette initiative angevine.
Donc c’est la deuxième initiative angevine. En fait, il se passe beaucoup de choses quoi à Angers ! Il y a le centre des archives du féminisme, Ensuite il y a eu Muséa. Et puis maintenant il y a ce musée des féminismes en gestation.
Le cadre universitaire angevin s’est révélé très accueillant. Cela tient à la présence d’une formation archivistique à l’université d’Angers. Au fait d’avoir une bibliothèque qui est ouverte à des innovations Le soutien des recherches en histoire des féminismes par la présidence de l’Université d’Angers a fini par créer un écosystème très favorable. On a aussi un master d’études sur le genre depuis 2017, piloté par l’université d’Angers, réunissant cinq universités de de l’ouest de la France. On a aussi un Mois du genre au mois de mars (en référence à la jounrée du 8 mars), avec une cinquantaine d’évènements divers et variés autour des questions de genre.
Il se passe beaucoup de choses à Angers. Cela explique que le projet de musée prenne place à cet endroit-là.
Vous avez évoqué le soutien institutionnel. Le grand public peut-il aider à concrétiser votre projet ?
Effectivement on tient à construire le musée avec le public ! Un des moyens, c’est d’utiliser le financement participatif pour l’acquisition d’œuvres. Une de nos priorités, ça va être de renforcer la présence de tableaux à dimension féministe, voire réalisées par des féministes dans les collections du musée.
On a acheté une première œuvre en janvier 2023, Maître Maria Vérone à la tribune, un tableau de Léon Fauret qui date de 1910 (représenté ci-contre). C’est un tableau très important : c’est le seul sous la IIIe République qui représente une scène féministe. C’est vous dire s’il est rare.
En quinze jours, sur HelloAsso, en expliquant notre but et ce que représentait ce tableau, on a eu les 21 000€ nécessaires, grâce à des dons très conséquents, mais aussi beaucoup de petits dons de dix euros, vingt euros. On a vérifié avec ce premier achat qu’on pouvait compter sur des centaines de personnes, heureuses que ce musée se crée, et qui sont prêtes à contribuer financièrement.
Il y a aussi des propositions d’aide en nature : donner un coup de main, participer à des activités de médiation quand le musée existera. On tient à cette démarche participative. Sans attendre la prochaine acquisition, il est possible de nous faire un don via la rubrique « Donner » sur le site de l’AFéMuse. Cela nous aide à financer le travail des personnes impliquées à titre professionnel sur le musée : la scénographe, la commissaire d’exposition, les frais de communication, les achats d’œuvres etc.
On reçoit de l’argent public : le projet est inscrit dans le plan interministériel d’égalité femme-homme annoncé en mars 2023. Cela nous a permis de recevoir déjà quelques subventions, mais très insuffisantes pour le moment. On va continuer la recherche de fonds publics, notamment via l’Université d’Angers et la Fondation de l’Université d’Angers.
On a aussi une aide énorme de la Fondation des Femmes, qui fait de la philanthropie féministe. On vient d’ailleurs d’obtenir le grand prix de la Fondation des Femmes le 20 septembre dernier. Ce grand prix est accompagné d’une aide de 25 000€. Cela ne nous permet pas de boucler le budget 2023, mais c’est quand même très très appréciable. Surtout, cela nous inscrit aussi dans une dynamique féministe. On a reçu ce financement comme d’autres associations pour des actions féministes de terrain. Par exemple une association de lutte contre la précarité menstruelle ou autre association de Mayotte qui qui aident les Femmes à faire respecter leurs droits. Ce sont des actions très variées qui sont soutenues.
Nous portons une action très culturelle, qu’on ne veut pas élitiste pour autant. Dans le mot « musée », il y a toujours cette connotation, parfois justifiée, d’élitisme. Au contraire, on veut construire un musée très accessible.
Pour finir, pouvez-vous nous en dire plus sur l’équipe derrière l’AFéMuse ?
Nous sommes sept dans l’équipe.
- Je suis coprésidente avec Julie Verlaine, qui est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Tours et qui a présidé l’Association pour la promotion de l’histoire des femmes Mnémosyne. Elle est spécialiste d’histoire des musées.
- Magali Lafourcade est notre directrice. Elle est magistrate et secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Ce projet n’est pas qu’une envie d’historiennes. Magali avait publié une tribune dans Le Monde pour la création d’un musée des acquis du féminisme, en avril 2022. Cela a été une des étincelles qui a fait démarrer le projet.
- Damien Hamard est lui docteur en archivistique et directeur adjoint de la Bibliothèque Universitaire d’Angers, bibliothèque dirigée par Nathalie Clot, qui porte aussi le projet.
- Julie Pellegrin, conservatrice de musée, qui dirige plusieurs musées nantais et qui a une grosse expérience dans le monde des musées.
- Julie Botte, déjà citée. Julie est docteure en en histoire de l’art et en muséologie. Elle a fait sa thèse sur les musées de femmes dans le monde. Elle nous apporte une dimension comparative.
- Céline Roche s’occupe de notre communication.
On se retrouve tous les mois pour un séminaire de réflexion autour de musée et féminisme. Ce séminaire se déroulera en visioconférence. Il est ouvert sur inscription aux personnes spécialistes de ces questions.
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Merci encore à Christine Bard d’avoir pris du temps pour répondre à nos questions. On se retrouve à Angers en 2024 pour découvrir l’exposition Les Femmes sont dans la rue, que ce soit à la Bibliothèque Universitaire d’Angers ou durant l’un des nombreux événements à destination des grand-es comme des petit-es !